Je ne suis pas une grande fan de notre président actuel. C'est un énorme euphémisme : je déteste absolument tout chez cet homme, à commencer par sa politique court-termiste, dangereuse, excluante, haineuse envers tout ce qui n'est pas mâle, blanc et bien né. Son arrogance et son cynisme m'insupportent et je trouve honteuse sa façon de lâcher les chiens sur n'importe qui ou n'importe quoi pour masquer ses incompétences ou pire, son indifférence à l'égard des conséquences dramatiques de sa politique. Clamer que la viande halal est le premier sujet de préoccupation des Français dans un pays qui compte plus de 4 millions de chômeurs, notamment grâce à ses idées géniales, me paraît très représentatif du personnage et de son mépris total pour tout ce qui n'est pas lui-même.
Je passe sur sa pathétique indignité et son incapacité à simplement bien se tenir, comme le gosse mal élevé qu'il est, qui font tout à coup passer George W. Bush pour un fin diplomate et un lettré. Je n'ai pas à juger de son goût pour la femme-trophée ni de l'acquiescement béat de celle-ci à son nouveau statut mais enfin, encore une fois, ça ne grandit personne.
Finalement, la seule chose que je puisse porter à son crédit, c'est qu'il n'a jamais caché ses intentions et que ses réalisations ont été fidèles à ce qu'il avait annoncé. Autrement dit, il n'a pris personne en traître et l'on savait à quoi s'attendre en le portant au pouvoir.
J'ai passé cinq ans à m'indigner de ses actions, de ses annonces, de ses manipulations. J'ai regardé avec de plus en plus d'inquiétude les gesticulations de ses imitateurs, les "décomplexés" Estrosi, Ciotti, Lucca, Mariani, qui lançaient sans vergogne leur Droite soi-disant populaire à l'assaut du FN. Les tentatives actuelles de Nicolas Sarkozy de se faire passer pour un homme proche des gens me font gerber : son idée du peuple, visiblement, consiste à débiter des propos de comptoir dans un bistrot de banlieue.
Après cinq ans de ce régime, je suis arrivée à totale saturation du personnage et seul Jean-François Copé arrive à m'exaspérer encore plus vite. Autant vous dire que j'essaie de me tenir un peu à l'écart de l'entre-deux-tours, avec son record d'outrances et d'œillades appuyées à l'extrême-droite. Il me semble que ce n'est qu'une question de jours avant qu'un quelconque excité de l'UMP affirme qu'il ne voit pas d'inconvénient à gouverner avec le FN. Après tout, ils viennent de tenir plusieurs années avec les idées du FN, alors pourquoi pas quelques ministres ?
Mais le plus douloureux n'est pas là.
Comme beaucoup, j'ai été sonnée par l'accession de Jean-Marie Le Pen au second tour en 2002. Secouée, j'ai appelé quelqu'un de très proche, très aimé, très admiré. Nous n'avions pas les mêmes idées politiques, je le savais, mais j'étais sûre que nous nous retrouverions sur la nécessité de faire barrage à l'extrême droite. Mais non. J'ai dû entendre de sa bouche que "tu sais, Le Pen, il ne dit pas que des conneries". Ce jour-là, un mythe est tombé et je ne m'en suis toujours pas bien remise.
Cette fois, ce qui me choque et me désole, c'est de découvrir ces autres proches, très aimés eux aussi, qui semblent prêts aux compromis les plus honteux pour éviter que le candidat de gauche passe. Trente ans après, ils reproduisent les frayeurs de leurs parents qui s'imaginaient que les chars soviétiques viendraient parader sur les Champs-Elysées en cas de victoire de Mitterrand. Pas plus dégourdis du bulbe qu'eux, ils se contentent d'obéir à leur conscience de classe, faisant passer leurs petits intérêts à eux avant ce truc démodé qu'on appelait l'intérêt général quand on en parlait encore.
Bien sûr, cela n'efface pas l'amour, les liens, les souvenirs partagés. Mais cela interroge douloureusement. Comment se peut-il que nos visions du monde soient à ce point opposées ? Pourquoi nos fondamentaux sont-ils différents au point de s'exclure mutuellement ? Au-delà du score important, beaucoup trop important du FN, cette élection, même si elle se termine par la défaite de Nicolas Sarkozy et le soulagement infini que j'en éprouverais, gardera quand même un goût amer difficile à faire passer.
Je suis triste que tu aies eu à écrire ce billet. Mais puisqu'il existe, je le trouve dans ma situation qui ressemble à la tienne, à ce que j'en devine, très réconfortant.
Et tu dis bien mieux que moi ce que j'éprouve quant au président sortant.
La seule nuance que j'apporterais concerne les cafés de banlieue : ce sont plutôt ceux de centres villes ou ceux de petits villages retirés dans lesquels ce discours puant porte. En banlieue les gens sont mélangés et quoi qu'on veuille nous faire croire ça ne se passe pas si mal entre eux.
Rédigé par : gilda | 29 avril 2012 à 09:10
Je lis ton post aujourd'hui seulement Satsuki, et constate que ce sujet et cet étonnement ont justement été les thèmes de mon déjeuner à la cantine, avec une collègue. Oui grand étonnement et énorme déception, qui ne s'arrange pas avec le temps et qui m'attriste. Beaucoup. Comme toi. Mais du coup, nous ne sommes pas les seules, c'est peut-être la seule chose qui rassure...
Rédigé par : Valouchka | 09 mai 2012 à 15:05
Encore plus en retard pour commenter, écrire que j'ai moi aussi tellement ressenti cette amertume. Mon intérêt pour les réseaux sociaux s'en est d'ailleurs retrouvé complètement anéanti…
Rédigé par : Anaïs | 29 mai 2012 à 10:05