Les travaux ont repris dans l'appartement du dessous. Quatre mois que ça dure, quatre mois de raffut ininterrompu sauf à de rares occasions, lorsque le plombier a fini son boulot et qu'il s'écoule quelques jours avant que l'artisan suivant n'entre en scène. Et puis ça recommence. Evidemment, les siestes de Paul en sont passablement perturbées et cela se répercute sur les nuits. Quelques nuits complètes de temps en temps quand même. Je croise les doigts, avec la peur de vendre la peau de l'ours…
Et voilà que mon corps me lâche. Le matin, j'ai le sentiment de me déplier plus que de me lever. Je peine dans les escaliers, même pour une vingtaine de marches. Je n'essaie même pas de courir pour attraper un bus ou un train, c'est peine perdue. Tout se bloque en moi : mon cou est douloureux, mes cervicales me donnent l'impression de grincer, mes épaules remontent toutes seules et quand je profite d'un moment de relâche pour m'étirer, je découvre de nouvelles douleurs. Quand j'ouvre, au hasard, "L'Art de la simplicité", de Dominique Loreau, qui traîne souvent sur ma table de chevet, je tombe sur ces mots : "Si vous ne prenez pas soin de votre corps, vous en deviendrez victime". Je sais bien, Dominique, je sais bien.
Je ne suis au courant de rien de ce qui fait l'actualité. Enfin si, bien sûr, un peu quand même, mais pour une fois, je ne me précipite pas sur les journaux ni sur mon ordinateur pour en savoir plus, au contraire. Et ce retrait est un vrai soulagement.
Je trie, je range, je nettoie, je donne. Notre appartement m'étouffe sous ses tonnes de papiers, de poussière et de poils de chat. Si vous saviez tout ce que j'ai trouvé derrière les étagères de livres… Non, en fait, vaut mieux pas. Bien sûr, ça ne va pas très vite mais petit à petit, cela s'éclaircit et mon esprit aussi.
Tant de choses à faire et si peu de temps… Il y a les obligations bien sûr, les nécessités, les "il faut absolument", les "ce serait bien" et les "j'aimerais bien". Au final, les "j'aimerais bien" n'ont jamais droit de cité, écrasés par tout le reste. Et tous ces films que je ne vois pas, tous ces livres que je ne lis pas, tous ces amis à qui j'ai à peine le temps de parler, tous ces moments que je pourrais employer à rêver et que je remplis à ras bord… Comment vous faites, vous, pour tout cumuler ? Pour ne pas vous coucher frustrés ? Pour ne pas avoir l'impression d'être un hamster dans une roue ?